L’export, un secteur qui OSE de plus en plus
13 juin 2018
Le gouvernement a adopté cette semaine un projet de loi permettant aux entreprises de bénéficier d’un crédit d’impôt pour les dépenses à l’international et d’un avantage fiscal pour compenser les centimes additionnels à l’exportation. Ces mesures s’inscrivent dans la stratégie de soutien à l’exportation mise en œuvre par le gouvernement en 2016 (plan OSE). Destinées à booster un secteur en plein essor, elles seront applicables au plus tard le 1er janvier 2019.
Le crédit d’impôt s’applique à 50 % des dépenses liées aux prospections commerciales en vue d’exporter, déduction faite des aides provinciales perçues, dans la limite d’un plafond de 50 millions de francs et sur une période de 15 exercices. Il concerne toutes les entreprises calédoniennes, à l’exception des secteurs de la mine-métallurgie, des banques, finances et assurances, et des entreprises pétrolières. Les dépenses éligibles sont nombreuses : frais et indemnités de déplacement, participation à des salons et à des foires-expositions, frais de traduction et d’interprétation, dépenses de protection des droits de la propriété industrielle, de mise aux normes obligatoire… ou encore honoraires d’avocats liés à la conclusion de contrats internationaux.
L’autre mesure adoptée par le gouvernement ce mardi 12 juin consiste à neutraliser le coût des centimes additionnels* à l’exportation, en créant un avantage fiscal qui contribuera à diminuer le montant de l’impôt sur les sociétés : soit une déduction du résultat imposable, égale à deux fois le montant des centimes additionnels intégrés dans le calcul de la patente.
« Il y avait une vraie attente, car amorcer la pompe à l’export coûte cher, se félicite Pierrick Maury, président du cluster New Caledonia Trade & Invest (NCTI). Et il faut généralement trois ans avant d’espérer décrocher un marché. Grâce à ces mesures fiscales, les entreprises calédoniennes se poseront moins de questions, car elles hésitent souvent à entamer de nouvelles études, faire d’autres déplacements, à modifier leur produit… Il s’agit d’un “déclencheur de démarche”, en fait ».
« Les entreprises calédoniennes ont acquis une vraie maturité leur permettant aujourd’hui de s’exporter, explique Philippe Germain, au moment de renouveler avec NCTI la convention d’objectifs et de moyens par laquelle le gouvernement apporte un concours de 10 millions de francs par an au cluster. L’export est un travail de longue haleine, il faut investir beaucoup, aller sur les marchés, louer des stands et un interprète, etc. Un coût qui amène parfois les PME et les TPE à renoncer. Le gouvernement a adopté ces mesures pour les aider et les inciter à exporter ».
Aujourd’hui, le nickel et la métallurgie représentent encore à eux seuls près de 93 % du total de la valeur des exportations calédoniennes ! Les produits manufacturés (chocolat, bière, chauffe-eau solaire, matériaux en PVC et aluminium...) et le secteur primaire (agriculture, pêche, bois, élevage) n’interviennent que pour 3,8 %. Un constat qui impose de diversifier l’économie, afin de créer de nouveaux relais de croissance. Avec pour objectif d’exporter nos biens, services et matière grise, le gouvernement a lancé en octobre 2016 le plan OSE (orientations pour le soutien à l’export). Depuis, les entreprises calédoniennes sont très régulièrement associées aux missions de “diplomatie économique”, le gouvernement souhaitant « mettre l’intégration régionale au service des exportations ». Soutenir l’export signifie aussi baisser les barrières tarifaires ou lever les freins réglementaires en discutant de gouvernement à gouvernement. Un exemple, La Française, qui tente d’introduire sa charcuterie en Australie. « Il faut une dizaine d’années pour passer le filtre du protectionnisme, indique Philippe Germain. Nous sommes donc intervenus pour que le dossier se retrouve en haut de la pile, afin de ramener à deux ou trois ans le processus d’autorisation d’entrée des produits ».
L’aide du gouvernement, c’est également la création au sein du SCRRE (Service de la coopération régionale et des relations extérieures) d’une cellule export, les réunions trimestrielles du Conseil de soutien à l’export, le déploiement prochain d’un réseau de délégués en Océanie… Et, bien sûr, le concours apporté depuis trois ans au cluster NCTI. L’accompagnement consiste aussi à faire découvrir aux entreprises calédoniennes les us, coutumes et codes des différents marchés. « On a participé à trois missions économiques, et à chaque fois on a signé des marchés derrière. Les missions diplomatiques et le cluster par ses réseaux, ses contacts, nous ont ouvert des portes et facilité la tâche », assure Hatem Bellagi, gérant de Skazy (développement de logiciels, création de sites internet…), une société en pleine ascension, notamment à l’étranger (Vanuatu, Polynésie, France…).
Autant d’actions qui, depuis deux ans et demi, ont porté leurs fruits. Elles étaient au nombre de 18 en 2016 et de 39 en 2017 : à mi-année, les “success stories” (CA réalisé à l’international, ouverture de joint-venture… et d’une manière générale, toute signature de contrat) s’élèvent à 64 en 2018. « On a souvent dit qu’on ne pouvait toucher que des marchés de niche, c’est exactement ce qu’il faut viser, puisque nos entreprises sont dimensionnées pour cela, reprend Pierrick Maury. On se différencie des autres par rapport à la valeur ajoutée de nos produits et la haute qualité de notre expertise ». Si bien qu’aujourd’hui les entreprises calédoniennes exportent des lambris PVC en Nouvelle-Zélande ou des tee-shirts en Chine ! « Nos sociétés innovantes sont désormais capables d’arracher des prix compétitifs à l’international face à des géants mondiaux comme l’Australie ou les États-Unis. »
« On voit aujourd’hui que le savoir-faire calédonien est reconnu, que nos entreprises sont perçues comme particulièrement performantes dans la région, et c’est très encourageant, se réjouit Philippe Germain. L’approche a changé. Nos entreprises n’en sont plus à nourrir des complexes face aux marchés néo-zélandais ou australien, ou à se demander ce qu’elles peuvent apporter à des petits territoires au pouvoir d’achat limité. Aujourd’hui, nous sommes attendus par nos voisins pour participer au développement économique de la région ».
* Les centimes additionnels sont un impôt calculé sur la base du volume annuel des exportations dont sont redevables les sociétés qui exportent
Un cluster très fédérateur
Le cluster New Caledonia Trade and Invest (NCTI) a été créé en 2015. « Au départ nous étions trois autour de la table », rappelle Pierrick Maury. Aujourd’hui, il réunit 104 membres, des entreprises (numérique, BTP, agroalimentaire, financement…), à 85 % PME et TPE, mais aussi les trois chambres consulaires, les fédérations patronales et des organismes comme l’OPT ou l’ERPA. Ses missions, soutenir les entreprises calédoniennes dans leur développement à l’international, les représenter lors de missions de diplomatie économique (7 en 2016, 18 en 2018), les structurer en leur apportant un “diagnostic export” et en leur proposant des pistes d’amélioration (ou pas), et enfin accueillir les investisseurs étrangers pour leur offrir des opportunités de marché en Nouvelle-Calédonie. NCTI compte trois zones d’intervention : l’arc mélanésien (sociétés de services), le Japon (essentiellement de l’agroalimentaire) et les deux grands voisins australien et néo-zélandais (un mix des deux). À l’intérieur du cluster, les sociétés phare qui exportent déjà se chargent de coacher les nouveaux-venus. Prochains salons prévus, Taïwan fin juin et Fidji en août.